B-R & H Finance ● Les 4 Saisons

Mi-Avril 2025

L’administration Trump souhaite maintenir le dollar comme monnaie de réserve tout en cherchant à affaiblir le dollar pour gagner en compétitivité sur les marchés internationaux : c’est la quadrature du cercle. Nous avions une crise conjoncturelle, il faut absolution éviter qu’elle ne devienne structurelle avec les investisseurs questionnant le dollar et les taux américains comme ils le font en ce moment.

Revue de marché

Le mal est fait ?

Contrairement à nos revues de marchés habituelles, cette fois-ci nous n’allons pas vous abreuver de chiffres. Nous allons prendre un peu de hauteur, car c’est l’une des tâches essentielles du gérant de fortune : protéger son client du bruit des marchés.
Nous n’avons pas pour vocation de rajouter de l’huile sur le feu. En revanche, comme à notre habitude, tous les chiffres sont disponibles sur LinkedIn.

Les événements de ces derniers jours ont mis en lumière trois éléments essentiels à nos yeux:

Un choc disproportionné

D’abord, l’ampleur complètement disproportionnée entre la correction boursière : plus de Usd 10'000 milliards de capitalisation envolés pour le S&P500 au pire de la crise et le montant des tarifs douaniers envisagés par l’administration américaine, entre Usd 600 et 800 milliards (15% des Usd 4.2tri d’importations US). En cause, une communication désastreuse et l’impression que personne n’est à la barre.

À mesure que les mid-terms approchent, on peut espérer un peu de tempérance. Mais soyons lucides: les marchés chutent vite, et remontent lentement. Il va falloir de la patience, et une bonne dose de sang-froid.

Nous pensons aussi que les répliques sismiques ne sont pas terminées. Espérons seulement que la Chine, acculée, ne considère pas que « foutu pour foutu », le moment soit parfaitement choisi pour envahir Taiwan!

Vers un panier de référence ?

Dans le monde réel, les marchés américains étaient sans doute, peut-être, surévalués ; mais les sociétés restent globalement saines, et nous sommes à l’aube de plusieurs révolutions technologiques majeures (IA, humanoïdes) qui vont profondément impacter la croissance mondiale. L’homme va graduellement perdre de son importance dans l’outil de production, et la démographie s’en trouvera durablement modifiée : plus vous avez de robots, moins vous avez besoin d’humains.

La surévaluation était donc, selon nous, toute relative.

En revanche, l’Europe était clairement sous-évaluée, et ne mérite pas son sort actuel. Cela s’explique en grande partie par le rôle du dollar en tant que monnaie de réserve. Une monnaie de réserve est une devise utilisée pour les échanges entre deux pays, alors qu’aucun des deux ne l’utilise comme monnaie nationale. Par exemple : un Vietnam qui achète du soja au Brésil, tandis que le Brésil lui achète de l’huile de palme — les deux transactions étant libellées en Usd.

Le reste du monde devrait sérieusement envisager un panier de devises, par exemple: 25% Usd, 25% Yuan, 25% Eur, 10% Yen, 5% Stg, 5% Chf, 5% Nok ; une sorte d’espéranto monétaire, plus représentatif des équilibres économiques contemporains.

Les Chinois ont la main

Ce qui nous amène au troisième problème. Le dollar étant la monnaie de référence, tout le monde en détient… beaucoup trop. Résultat : on thésaurise massivement dans la dette américaine, ce qui permet aux États-Unis d’émettre toujours plus et de maintenir des taux bas. C’est crucial compte tenu du ratio dette/PIB actuel, qui atteint 123%.

Mais que se passe-t-il si la Chine décide de faire grève, ou pire, de vendre le trilliard de dette américaine qu’elle détient ? Les taux remontent, et la situation américaine devient rapidement intenable.

Nous avons eu un avant-goût de ce scénario mercredi dernier, avec la volte-face mielleuse du président Trump devant son homologue chinois, Xi Jinping. Là encore, les passes d’armes ne font que commencer. Et malheureusement, le reste du monde risque d’endosser le rôle de victime collatérale.

Nous réitérons donc notre recommandation : ne pas investir dans la dette souveraine. Par ailleurs, les débiteurs corporates s’alignent toujours sur la courbe des taux souverains ; ils souffrent donc, par ricochet.

La bourse peut être décorrélée du dollar mais pas des taux en dollar. Tandis que des accords de Mar el Lago s’éloignent (troisième étage de la fusée Trump), l’éventualité de la Fed américaine achetant de la dette américaine comme durant la crise de 2008 n’est pas hors de propos…

Quelques chiffres

  • 2,5 milliards de joueurs : c’est le nombre de joueurs de jeux vidéo dans le monde, avec une croissance annuelle de 10%.

  • 1817 : l’invention de la bicyclette a radicalement élargi le périmètre amoureux ; avant cela, les couples anglais naissaient en moyenne à moins de 1 mile l’un de l’autre.

  • 126 millions de dollars : c’est la perte nette trimestrielle de Sphere Entertainment, propriétaire de la spectaculaire LED Sphere de Las Vegas, déjà rattrapée par la réalité financière après l’effet U2.

Editorial

Billard à Trois Bandes

Un bon coup de billard à trois bandes, c’est quand on ne tape jamais là où l’on veut vraiment que ça tombe. On vise à gauche pour atteindre la droite ; on fait rebondir pour contourner l’obstacle. C’est l’art d’avancer masqué, de ne jamais dire tout haut ce que l’on cherche vraiment. En diplomatie, cette stratégie a souvent fait ses preuves. Et elle pourrait bien redevenir le plus bel atout de la vieille Europe.

Pendant que les États-Unis foncent dans le tas à coups de sanctions, de tweets ou de taxes douanières ; pendant que la Chine joue le long terme, muette mais méthodique ; l’Europe, elle, pourrait incarner autre chose : l’art subtil de la médiation, du détour, du mouvement latéral.

J’ai toujours eu une admiration particulière pour le duc de Talleyrand (Prince de Bénévent et évêque d’Autun). Nous étions plusieurs amis, à lire des biographies sur lui comme d’autres lisent des romans noirs : pour le plaisir du cynisme élégant, des compromis qui sentent la trahison bien habillée, et de cette capacité unique à toujours tomber du bon côté de l’Histoire, même quand elle vacille. Alors forcément, un homme qui disait “tout ce qui est excessif est insignifiant” a de quoi séduire. On aime chez lui cette capacité à ne jamais aller frontalement au conflit, mais à plier les circonstances jusqu’à ce que la vérité se torde à son avantage. Lors du Congrès de Vienne, en 1815, il arrive presque en invité-surprise. La France vient d’être vaincue, humiliée, mise au ban. Et pourtant, quelques semaines plus tard, elle est redevenue incontournable. Talleyrand n’a pas redressé la France, il a redressé la table. Et c’est déjà beaucoup.

La médiation, c’est ça : l’art de s’inviter dans un conflit sans y prendre part. De parler à chacun sans épouser le discours de quiconque. C’est le “en même temps” dans sa version diplomatique — une posture qu’Emmanuel Macron, il faut bien le dire, maîtrise à merveille. Pas par humilité, non : mais justement parce qu’il adore être partout à la fois, au centre du jeu, en haut de l'affiche, et s’il le faut, dans les coulisses aussi.
Cela demande du temps (il en a), de la mémoire (il en a aussi), et une certaine tolérance à la complexité — qualité assez rare par les temps qui courent.

Mais pour jouer au billard à trois bandes, encore faut-il savoir ce qu’on vise, même en rebond. Et c’est là que le bât blesse. Bruxelles oscille entre ambition géopolitique et prudence bureaucratique ; entre envie de jouer un rôle et peur d’y perdre son confort. On hésite à sortir du bois. Pourtant, dans un monde où l’affrontement direct sature les ondes, les stratèges silencieux ont une carte à jouer. Tandis qu’Ursula von der Leyen n’en n’a pas la carrure, Macron pourrait la remplacer avantageusement, encore faut-il qu’elle accepte de s’effacer (nous ne doutons pas que lui saute sur l’occasion de revenir sur le devant de la scène).

Il y a quelques jours, j’ai rencontré un vieux diplomate, belge je crois, dans un salon discret du Baur au Lac. Moquette épaisse, mobilier de style, un Botero aux murs (surprenant); ce genre d’endroit où l’on parle bas. En évoquant la situation actuelle – les tensions, les gesticulations, les lignes qui bougent sans vraiment avancer (un peu comme le front Russe en Ukraine) – il m’a glissé une réflexion que je médite depuis : “Les Américains amènent les avions, les Russes les problèmes, nous on vient avec du café et du papier. Et à la fin, c’est souvent nous qui écrivons le brouillon de l’accord”. Puis, il a laissé le silence s’installer – un silence bien épais, comme la moquette sous nos pieds – avant d’ajouter, l’air presque triste : Les Américains, ils pensent qu’un silence est un vide, tandis que les Chinois y voient un espace.”

Ce jour-là, j’ai compris qu’il y avait des victoires qu’on ne gagne pas en frappant fort, mais en attendant que les autres s’épuisent à taper à côté.

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Investissements

Deux stratégies par vents contraires

Le 9 avril restera dans les livres d’options comme un jour particulier. Le VIX a dépassé les 50% avant de redescendre à 28%… en quelques heures à peine. Ce n’est pas tant le niveau atteint qui est inédit, mais la vitesse du mouvement ; la plus forte variation intra journalière jamais enregistrée.

Ce jour-là, au cœur de la tourmente et alors que les marchés s’effondraient, le Président Trump a d’abord tweeté que les niveaux actuels des indices représentaient une opportunité d’achat. Puis, à peine quelques heures plus tard, il annonçait un moratoire de 90 jours sur les nouvelles mesures tarifaires, le temps de mener des négociations bilatérales. Résultat : la volatilité s’est effondrée. Et comme souvent dans ces épisodes, rare sont ceux qui ont pu en bénéficier.

Pourtant, la volatilité est l’un des rares éléments de marché dont on puisse anticiper le comportement avec un minimum de structure. Elle monte, certes, parfois brutalement. Mais elle redescend aussi, presque mécaniquement, au-delà d’un certain seuil. À partir de 50%, l’histoire est assez claire : l’excès devient instable, et finit toujours par se corriger.

Dans ce contexte, certaines stratégies retrouvent tout leur sens : la vente de puts, ou la mise en place de produits de type “worst of” sur des sous-jacents faiblement corrélés, permettent d’encaisser une prime généreuse.

Mais voilà : la majorité des investisseurs font exactement l’inverse. ils vendent la volatilité lorsqu’elle est faible et l’achètent lorsqu’elle est chère.

La volatilité est un phénomène cyclique. Mais elle est aussi une opportunité pour ceux qui savent l’observer sans la craindre. Et les jours comme celui du 9 avril nous rappellent que les marchés, parfois, s’offrent à ceux qui osent les lire autrement qu’à travers les gros titres.

Exposition au marché US

Pierre Montézin, conseil stratégique de B-R & H Finance, défend depuis maintenant six mois les mérites d’une stratégie élégante à trois piliers pour rester exposé au marché américain tout en limitant ses excès. Cette approche repose sur une allocation répartie à parts égales entre trois instruments:

  • 1/3 en ETF répliquant le S&P500

  • 1/3 en ETF équipondéré et régulièrement rebalancé sur ce même indice

  • 1/3 en actions Berkshire Hathaway

Cette structure permet d’atténuer l’influence des “Magnifiques 7” (ou de leurs successeurs), d’être à la fois exposé à des titres growth et value, et ainsi de mieux naviguer à travers les cycles de marché. Elle introduit également une part de gestion active à travers l’un des meilleurs allocateurs de capital au monde — avec, il est vrai, la question non résolue de sa succession.

Certains titres restent surreprésentés (Coca-Cola, Apple…), mais l’ensemble compose un équilibre subtil et robuste. Une construction simple en apparence, mais résolument sophistiquée dans ses effets.

Patrimoine

L’impôt invisible est-il plus supportable ?

La rivalité entre impôt direct et impôt indirect ne date pas d’hier. Depuis le XIXe siècle, les économistes s’y affrontent : d’un côté, les tenants de l’impôt direct, jugé plus juste car proportionné aux revenus ; de l’autre, les libéraux, partisans de l’impôt indirect, considéré comme plus discret, plus incitatif, et plus favorable à la croissance.

L’approche capitaliste classique, de Smith à Ricardo, puis plus tard Hayek ou Friedman, défend l’idée que l’impôt direct décourage l’effort et l’investissement, tandis que l’impôt indirect laisse la liberté de consommer… ou pas. C’est exactement cette logique que Donald Trump cherche à réactiver : réduire l’impôt sur le revenu et les sociétés, tout en finançant les dépenses publiques via des droits de douane ou des taxes sur la consommation.

Le résultat ? Un sentiment de richesse accru pour les contribuables, surtout les classes moyennes supérieures, pendant que l’effort fiscal se dilue dans la masse. Mais ce système, en apparence plus "indolore", reste régressif : il pèse davantage sur ceux qui consomment tout ce qu’ils gagnent que sur ceux qui épargnent.

Et c’est précisément là que la question devient patrimoniale.
L’impôt direct attaque le capital ou le revenu ; l’impôt indirect, lui, préserve l’épargne, tant qu’elle n’est pas dépensée. C’est une différence de taille pour ceux qui veulent transmettre, capitaliser ou arbitrer leur fiscalité dans le temps. Un monde avec moins d’impôt direct est, mécaniquement, plus favorable à ceux qui ont déjà du patrimoine, mais moins à ceux qui cherchent à le constituer.

En matière de fiscalité comme ailleurs, il ne suffit pas de savoir ce que l’on paie : il faut aussi comprendre ce que l’on finance.

Le silence est un ami qui ne trahit jamais 

Confucius

A propos de B-R & H Finance

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