B-R & H Finance ● Les 4 saisons

Février 2025

Ce mois-ci, nous retrouvons Isabelle, Pierre et Jean, qui échangent sur l'évolution de leurs portefeuilles respectifs post-DeepSeek. Nous expliquons également pourquoi il est préférable de rester à l’écart des obligations du Trésor français. Enfin, nous nous interrogeons sur la portée des récents commentaires de plusieurs PDG français. En toute fin, nous citons Jean Jaurès…

Quelques chiffres
  • 23 milliards d’euros de subventions aux associations par an, soit plus de deux fois le budget de la justice en France: une somme considérable financée par l'argent public (source ifrap)...

  • 15'000 Usd: c’est désormais le prix d’un permis pour escalader l’Everest, soit une hausse de 36% par rapport au tarif précédent.

  • 84% des diplômés des 15 meilleures business schools américaines ont trouvé un emploi dans les trois mois suivant l'obtention de leur MBA cette année, contre 92% en 2019, illustrant une hausse du chômage parmi ces profils pourtant très prisés.

Revue de marché

Ça passe tout juste

Janvier 2025 fut l’un des meilleurs débuts d’année des 30 dernières années pour la bourse européenne avec un MSCI Europe en hausse de 6.4%, soutenu par les marchés allemand (+8.02% Ytd), suisse (+7.54%) et français (+7.12%). Mais patatra... Trump 2 est passé de la parole aux actes et la machine s’est enrayée (pour 24h). Il est étonnant de constater que même si les marchés étaient prévenus, l’adage “sell on rumours, buy on news” ne semble pas avoir fonctionné.

Depuis le début de l’année tous les indices américains sont en hausse et le S&P500 est repassé au-dessus des 6’000 points à 6’023. En Asie, l’image est contrastée avec le Kospi qui grimpe de 3.43% tandis que le marché de Hong Kong fait mieux (+3.63%) mais le Shanghai A chinois baisse de 3.27%. Il ne semble pas bénéficier de la bombe Deepseek, ce qui nous étonne.

Deepseek

le 24 janvier, les investisseurs ont eu droit à un coup de théâtre avec DeepSeek, une IA générative développée en Chine, qui a quelque peu ébranlé l’idée que la Silicon Valley détenait un monopole absolu sur l’innovation. Ce lancement marque un tournant : la course à l’IA n’est plus exclusivement américaine. Dans l’ancien paradigme, il suffisait d’acheter:

  • Les fournisseurs d’IA (Microsoft -2.94% Ytd, Google +6.46%, Meta +16.31%)

  • Les fabricants de puces (Nvidia -17.91%, AMD +2.81%)

  • Les constructeurs d’infrastructures (ASML +3.55%, Broadcom -5.19%, Vertiv -11.89%)

  • Les producteurs d’énergie pour alimenter les centres de données

Mais avec DeepSeek, les règles du jeu changent. L’IA n’est plus un marché exclusivement dominé par les États-Unis, et les investisseurs vont devoir recalibrer leurs stratégies (voir éditorial ci-dessous). A noter les excellents résultats de Palantir (+24% depuis hier soir) et Spotify (+13.2% également depuis hier.)

Trump 2

La montagne a finalement accouché d’une souris : le dollar US s’est envolé face à l’euro, au peso et au dollar canadien, tandis que les cryptos ont plongé : -7% pour le Bitcoin, -14% pour Solana, -23% pour l’Ether. Deux jours après ces annonces mises sur pause, tout semble être rentré dans l’ordre pour le Bitcoin, qui repasse la barre symbolique des Usd 100’000 à Usd 101’869. En revanche, l’Ether accuse toujours une perte de 15.9% en Ytd. L’or, quant à lui, reprend sa marche en avant à Usd 2’875 (+8.3% en Ytd).

Ailleurs dans le monde

Parmi les presque 500 sociétés que nous suivons, une fois n’est pas coutume, c’est une Suisse qui s’illustre sur la première marche du podium en ce début d’année. Richemont affiche une progression de 31.32%, tandis que St Dupont (+24.70%), Moncler (+24.32%), Burberry (+25.88%), Hermès (+21.46%), Salvatore Ferragamo (+11.62%) et LVMH, qui, malgré des résultats moyens, termine le mois dans le vert foncé (+13.32%), portent haut les couleurs du luxe européen.

Dans les performances négatives, Barry Callebaut (-21.35%) subit de plein fouet la hausse des matières premières. En Europe, Alstom est lanterne rouge (-10.85%), une contre-performance en partie due à une recommandation de vente émise par Goldman Sachs. Novo Nordisk continue sa glissade (-4.97%), malgré un marché estimé à Usd 100 Mia dans les prochaines années.

Tandis qu’UBS malgré de bons résultats déçoit +3.83% en Ytd (-8.63% en février), Julius Baer n’arrive toujours pas à tourner la page du scandale Benko et perd 13.47% en en février (-4.76% en YTD).

Pendant ce temps, Christine Lagarde a baissé les taux européens de 0.25% à 2.75%, tandis que la Banque Centrale Japonaise a, elle, augmenté ses taux de 0.25% à 0.50%

Tableau du mois

Source Yahoo Finance Chartbook Janvier 2025

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Editorial

Toute ressemblance avec des personnages existants…

Bref rappel : Pierre, Isabelle et leur fils Jean forment une famille aisée, parisienne, ils aiment boursicoter.
Pierre, prudent, détient un portefeuille de bon père de famille, composé principalement d’actions françaises. Il suit l’adage "si tu n’as pas vendu, tu n’as pas perdu", mais commence à en voir les limites.

Isabelle, plus audacieuse, investit seule. En séparation de biens, elle et Pierre échangent peu sur leurs portefeuilles. L’an dernier, sur un conseil de Jean, elle a acheté Nvidia à 47 Usd et revendu prudemment à 94 Usd, appliquant le principe du "un tiens vaut mieux que deux tu l’auras". Mais derrière cette discipline apparente, elle navigue sans réelle conviction ni expertise, achetant et vendant plus par opportunisme que par stratégie.

Jean, leur fils, a un style radicalement différent. Jeune, vif et détaché de l’argent (logé, nourri, blanchi chez ses parents), il investit via une plateforme maltaise sans frais, où il peut utiliser du levier. Il privilégie des entreprises très spéculatives et volatiles, n’analyse que succinctement ses positions et coupe rapidement ses pertes.

Lundi 27 janvier, Pierre rentre tard. En posant son manteau, il remarque tout de suite qu’Isabelle a la mine des mauvais jours, quelque chose la perturbe. En fait, elle a racheté du Nvidia en novembre dernier autour des 145 Usd et plusieurs autres grands noms de la tech. Sa performance en 2024 fut de 15.8% en Eur, jusqu’à ce soir, elle était contente. Mais Deepseek a tout balayé. Nvidia -17%, et avec elle, tout son pari tech : ASML, TSMC, AMD, Intel, Apple, Microsoft, Meta. D’un coup, ce début d’année vire au rouge vif.

On passe à table, malgré le saumon teriyaki, l’humeur n’y est pas. Jean débarque au dernier moment, comme toujours. Isabelle l’interpelle sans détour : Deepseek, l’impact sur la tech, faut-il vendre ou acheter ?

Jean, impassible : J’ai vendu à l’ouverture. Je vais racheter ce soir, je parie sur un «dead cat bounce». Les sociétés de la tech « were priced to perfection » ca va être difficile de s’en remettre (l’auteur s’excuse pour ce deuxième anglicisme en si peu de mots).

Pierre, lui, est secrètement content, car le mouvement ne semble toucher que les technologiques. Il faut dire que sa performance en 2024 fut décevante, autour de zéro, il a finalement décidé de confier la gestion de son portefeuille à Jacques, son ami gestionnaire de fortune, rendez-vous est pris.

Mais la discussion prend un tour inattendu. Jean vient d’effectuer un stage dans un hedge fund londonien, son job consistait à assister les analystes actions, il en a tiré de nombreux enseignements. Il explique : L’IA, jusqu’ici, c’était un club fermé, réservé aux géants capables d’engloutir des milliards dans des data centers spécialisés (d’où le projet Stargate à 500 Mia Usd). Mais Deepseek a rebattu les cartes. Ils font mieux, beaucoup moins cher. C’est un changement d’ère, comme quand Google a révolutionné la recherche en réseau au début des années 2000.

Il s’emballe : Deepseek démocratise l’IA en open source. L’Europe, l’Inde, n’importe quel ingénieur de l’EPFL ou de Polytechnique peut s’en emparer et l’adapter. Résultat? Plus besoin d’investir des fortunes, des milliers de petits acteurs vont émerger, et la demande pour les puces Nvidia pourrait repartir de plus belle. Tout en précisant qu’au cœur de Deepseek, on trouve des puces Nvidia H800, ce qui démontre toujours la supériorité américaine dans le domaine. Par contre, les investisseurs dans la société OpenAI de Sam Altman ont du souci à se faire, impossible dans ces conditions de justifier une valorisation de 157 Mia Usd. Nul doute que les autorités chinoises vont donner à Liang Wenfeng (fondateur de Deepseek) tous les moyens qu’il veut pour continuer dans sa voie, un nouveau Dieu de l’IA est né !

Il cite Schumpeter – destruction de valeur, construction de valeur – et enchaîne : L’open source, c’est l’adoption de masse. Intel, AMD et d’autres pourraient revenir dans la course. Les propriétaires de grandes bases de données, comme SAP ou EDF, vont pouvoir monétiser leurs actifs de manière inédite et leur profitabilité devrait augmenter.

En parlant de bases de données, Pierre sombre dans ses pensées et regrette que ni Christie’s ni Sotheby’s ne soient cotées en bourse. Avec les plus beaux fichiers clients de la planète et l’IA, elles peuvent croiser les informations et anticiper les besoins des acheteurs comme des vendeurs. Un business en or, surtout quand on voit les marges captées des deux côtés du prix marteau…

Le dîner est fini depuis longtemps. Isabelle, sonnée, digère l’information. Pour Nvidia, elle attendra quelques jours avant de vendre. Mais elle garde ses autres positions et achètera du Schneider Electric. Son pari sur la tech a pris un coup, mais elle ne remet pas en cause sa façon d’investir. Pas encore.

Note de l’auteur : À investir sans comprendre, on espère plus qu’on n’anticipe.

Investissements

Pourquoi il ne faut pas acheter d’OAT françaises

Il y a un sujet dont on parle peu, mais qui mérite toute notre attention : la dette française et, plus particulièrement, les OAT (Obligations Assimilables du Trésor). Aujourd’hui, la France affiche une dette de 3'300 milliards d’Eur, soit 113.7% du PIB, un niveau qui devient difficilement soutenable. En 2025, la France devra lever 340 milliards d’Eur de nouvelles dettes publiques, un record historique, et devra séduire de nouveaux investisseurs dans un contexte de plus en plus incertain.

Contrairement à l’Usd, l’Eur n’est pas une monnaie de réserve par défaut, et aucune banque centrale n’est obligée d’en détenir.

Un marché sans réel soutien domestique

Le système de retraite français étant "par répartition", il ne repose pas sur des fonds de pension comme au Japon ou aux États-Unis, limitant ainsi la demande locale pour les OAT. Aujourd’hui, 55% sont détenues par des investisseurs étrangers.

Une dégradation est-elle inévitable ?

La note actuelle de la dette française est AA-, mais avec un déficit budgétaire dépassant 6.1% et un budget 2025 aux hypothèses irréalistes (5.4%), une rétrogradation en simple A devient probable. Or, une telle dégradation aurait des conséquences en cascade: (a) de nombreux investisseurs institutionnels ne pourront tout simplement plus acheter d’OAT pour des raisons de seuils de qualités à respecter, (b) la France devra offrir des rendements plus élevés pour attirer de nouveaux investisseurs, aggravant son coût de financement et son déficit et (c) les détenteurs actuels subiront des pertes sur une base mark-to-market.

La France peut-elle faire défaut ?

Non, la BCE interviendra en dernier recours, mais cela ne signifie pas que les investisseurs ne perdront pas d’argent, car la hausse des rendements fera mécaniquement baisser la valeur des obligations en circulation.

Conclusion : un risque asymétrique

Acheter des OAT aujourd’hui, c’est s’exposer à un risque asymétrique : peu de chances de voir les taux baisser, mais un risque significatif de perte en capital.

Patrimoine

“Ceux qui peuvent partir partent. Et ils ont raison.” 

Quand le patron des patrons, Patrick Martin, fait un tel constat publiquement, il est clair que l’époque n’est plus aux aternoiements.

Bernard Arnault, PDG de LVMH, a déjà tiré la sonnette d’alarme sur le risque de délocalisation vers les États-Unis, où la fiscalité est plus compétitive. Guillaume Faury (Airbus), Florent Menegaux (Michelin) et bien d’autres dénoncent également un excès de charges et de taxes rendant la France de moins en moins compétitive.

Il y a une confusion savamment entretenue dans le débat public français : celle qui oppose solidarité et égoïsme. Le gouvernement veut justifier de nouvelles hausses d’impôts sous couvert de "solidarité", mais solidarité avec quoi exactement ? Avec les erreurs du passé, l'inefficacité budgétaire et une dette publique hors de contrôle ?

Lorsque le chiffre d’affaires d’une entreprise domiciliée en France est réalisé à plus de 90% à l’étranger et que ses actionnaires sont majoritairement internationaux, à qui doit-elle rendre des comptes ? À l'État français ou à ceux qui financent son développement ?

Les actionnaires prennent des risques. Ils investissent en espérant un retour, soutiennent les entreprises en période de turbulence, et peuvent à tout moment arbitrer leur capital en faveur de pays plus attractifs.

Ce qui est vrai pour une entreprise l’est aussi pour un individu

Chacun a des responsabilités: un entrepreneur a des comptes à rendre à ses actionnaires, à ses salariés, à ses clients. Un individu a des obligations envers sa famille, son avenir, sa propre sécurité financière. Mais est-il prioritairement responsable du financement d’un État qui, malgré des prélèvements records, continue de creuser son déficit et d’augmenter sa dette ?

Vers une fuite des talents et du capital ?

Les décisions fiscales actuelles ne feront qu’accélérer la tendance : les entrepreneurs et investisseurs iront là où ils sont mieux traités. Pendant ce temps, la France et le Royaume Unis continueront d’alourdir la charge sur ceux qui restent, créant un cercle vicieux d’érosion du capital et de fuite des talents.

La solidarité ne peut pas être unilatérale. Un État qui considère ses contribuables comme une ressource inépuisable finira par se retrouver seul à porter le poids de ses propres erreurs.

Il ne se passe pas une semaine sans que nous ayons connaissance ou que nous soyons solicités par des personnes voulant se délocaliser en Suisse. La France, sans doute le plus beaux pays du monde, possède grâce au nucléaire tous les atouts dont elle a besoin. Les politiques qui prônent la solidarité sont les véritables égoïstes, utilisant un discours démagogique pour assurer leur réélection plutôt que d’affronter les vrais défis économiques.

L’abondance est le fruit d’une bonne administration

Jean Jaurès

Principaux Marchés

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